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Émilie Chauvet

Émilie Chauvet

Psychologue

Article révisé par 

le comité Psychologue.net

Lecture : 2min

Mots-clés

Thérapies et Méthodes de psychologie

À propos de l’empathie

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Marcel Fuchs vit au quotidien aux côtés de sa femme, atteinte de la maladie de Parkinson. En tant qu’aidant ressource, il nous propose une réflexion sur l’empathie.

Depuis onze ans, j’essaye de soutenir mon épouse confrontée à la maladie de Parkinson. Pendant environ huit ans, nous avons traversé une longue période d’isolement, induite par un diagnostic rapide, froidement technique, qui nous a laissés un peu seuls et désorientés. En 2017, j’ai été convié à participer, en tant qu’aidant, à une formation à l’éducation thérapeutique.


Au cours de cette formation, j’ai retenu comme essentielle la visée d’échange et d’écoute proposée par l’éducation thérapeutique, de façon à ce que le patient et le soignant puissent élaborer ensemble le parcours de soins. Pour permettre, dans l’idéal, de co-décider d’un projet et de ses étapes. Cela suppose une relation de confiance, où chacun a la parole. Et bien entendu, cela ne peut fonctionner que si, au-delà de leur expertise, les soignants adoptent une posture d’écoute, et d’empathie. C’est seulement à partir de là que les patients peuvent oser s’exprimer, et prendre leur place dans le projet.


Qu’est-ce que l’empathie ?


Le terme d’empathie est souvent défini, comme « Capacité à ressentir les émotions de quelqu’un d’autre, arriver à se mettre à la place d’autrui ». Se mettre à la place d’autrui ? Jusqu’où est-ce possible, et quels en seraient les risques et/ou les limites ?


À l’issue d’une carrière professionnelle de travailleur social, je suis depuis longtemps interrogé par la question éthique de « l’altérité », telle que la propose Emmanuel Levinas 1 : pour Levinas, je ne peux réduire « l’Autre » à un autre « moi-même ». « L’Autre » est « un infini », au sens où je n’en n’aurai jamais fini de le connaitre et de le comprendre.

Récemment, au cours d’un débat portant sur l’éducation thérapeutique, une personne lourdement touchée par la maladie de Parkinson déclara : « Vous ne pourrez jamais éprouver à ma place ce que je vis et ce que je ressens, lorsque chaque instant qui va suivre est incertain, et risque d’être une nouvelle souffrance. » Cette personne disait vrai. Mais son affirmation, un peu agressive, m’a profondément touché, me confrontant à sa souffrance morale dont en effet je ne sais rien, parce qu’elle seule peut la ressentir. Cela m’a laissé un peu désemparé, seul avec mon émotion, pourtant vive et réelle, mais qu’à son tour, elle ne pouvait pas ressentir. Situation souvent vécue dans ma position d’aidant.


En tant qu’aidant, aux côtés de mon épouse, et aussi auprès d’autres personnes de notre entourage souffrant de la même maladie et que j’essaye d’accompagner, il me semble retrouver ce même enjeu de « non confusion », mais aussi la même richesse dans la découverte de l’autre.


Une autre définition de l’empathie


Cette émotion m’a renvoyé à une définition plus approfondie de l’empathie, telle que je l’ai « transposée » à l’issue d’une récente journée d’étude, faisant suite à une formation en « approche systémique 2» de la relation d’aide et/ou d’accompagnement de la personne.


J’ai retenu, à ma manière, que l’empathie pouvait être cette capacité de l’aidant que je suis à se laisser « toucher » par l’émotion et par la souffrance de l’autre. Non pas en me laissant envahir par cette souffrance, comme si elle était mienne, mais en acceptant l’émotion qu’elle me fait ressentir. Avec la possibilité de dire à mon tour à l’autre, non pas que je souffre et que je ressens comme lui, mais qu’à l’écoute de sa souffrance, je ressens moi-même une émotion, bien à moi, et que l’autre ne peut m’ôter. L’expression de mon émotion devient alors comme une invitation à la rencontre de nos ressentis réciproques. Et peut-être que de cette rencontre, pourra, s’il l’accepte, poindre l’idée d’une « alliance », pour faire face à nos souffrances réciproques, et pour, peut-être, lutter ensemble.

Cette perspective ne peut être qu’une proposition, faite à l’autre d’une position basse, discrète, qui ne passe pas forcément par la parole. Et qu’il est libre de refuser, voire même de ne pas entendre. Ou encore de remettre à plus tard, lorsqu’il sera prêt.


1. Emmanuel Levinas, 1905-1995, philosophe humaniste. Dans Totalité et Infini (1961), il pose les principes d’une éthique fondée sur la relation à autrui.
2. L’approche systémique a pour visée de prendre en compte la personne au sein de son environnement composé de différents systèmes : contexte psychologique individuel (émotions, schéma de pensée, croyances, etc.), contexte familial (culture, éducation, histoire familiale intergénérationnelle, liens entre les membres d’une même famille), en proposant d’analyser les relations que la personne entretient avec ces différents composants, comment elle interagit avec eux.